Nécrologie
de Daniel Cordier
Daniel Cordier, son décès
Daniel Cordier, ancien résistant et avant-dernier Compagnon de la Libération, mais également marchand d’art, est décédé le 20 novembre 2020 à Cannes. La cause de son décès n’a pas été communiquée. S’il s’était tu pendant près de 30 ans sur sa vie durant la guerre, il avait construit sa renommée dans le monde de l’art. Il avait 100 ans.
Daniel Cordier, le résistant
Daniel Cordier, de son nom de naissance Daniel Roger Pierre Bouyjou, est né le 10 août 1920 à Bordeaux. Ses parents divorcent et Daniel Cordier, bien qu’élevé par son père, est sensible aux idées antisémites et maurrassiennes de son beau-père, Charles Cordier. À 17 ans, il devient militant de l’Action Française et, lorsque la guerre éclate, il souhaite s’engager, mais ne peut le faire en raison du refus de sa mère. Quand Pétain demande l’armistice, le patriote qu’il est se sent trahi. Daniel Cordier s’engage alors, en juin 1940, dans les premières Forces françaises libres de la « Légion de Gaulle ». Après sa formation militaire, il devient lieutenant. À sa sortie, il intègre le Bureau central de renseignements et d'action. Il débarque à Lyon où il travaille en qualité de secrétaire de Jean Moulin. Il prend alors le pseudonyme d’Alain. Puis, il part à Paris. Les deux hommes se sont fixés comme but l’unification de la résistance intérieure française. Un travail acharné qui, en mai 1943, aboutit à la création du Conseil national de la Résistance. Après l’arrestation et la mort de Jean Moulin, Daniel Cordier travaille avec Claude Bouchinet-Serreulles, son successeur. Lorsqu’en mars 1944, Daniel Cordier franchit les Pyrénées, il est interné à Pampelune puis au camp de Miranda en Espagne, avant de rejoindre la Grande-Bretagne. Il devient chef du cabinet d’André Dewavrin, chef du BCRA — les services secrets de la France libre — auprès du général de Gaulle. Alors qu’il a un avenir politique certain, à la fin de la guerre, Daniel Cordier préfère tourner la page sur tout ce qui concerne la Résistance et la guerre. Ainsi, après avoir mis en place, fin 1944, la DGER (future SDECE) aux côtés du colonel Passy, il aide à la démobilisation des anciens agents et ne parle plus jamais de cette partie de sa vie en public, pendant plus de trente ans.
Daniel Cordier, son amour de l’art et pour Jean Moulin
Selon Daniel Cordier, c’est Jean Moulin qui l’a initié à l’art. Dès la fin de la guerre, il s’inscrit à l'académie de la Grande Chaumière pour apprendre la peinture. Dès lors, il consacre son temps à la peinture et achète des œuvres pour constituer sa collection. Parmi ses œuvres, on peut citer celles de Braque, Soutine, Rouault, Arman, Tàpies, Mathieu, Hundertwasser, Kline, Tobey, Wols… Entre 1956 et 1964, il ouvre plusieurs galeries d’art. Découvreur de talents, il expose plusieurs artistes qu’il fait connaitre au public. Il organise l’exposition consacrée à Claude Viseux, puis celle de Dewasne, Dubuffet et Matta. Mais, faute d’intérêt du public, il doit fermer ses galeries. Il se tourne alors vers l'organisation de grandes expositions. Invité par François Mathey, il participe à l’exposition Douze ans d'art contemporain ou 72/72, qui a lieu en 1972. Dès 1973, Daniel Cordier fait don de plusieurs œuvres de son impressionnante collection à l’État et, en 1989, il cède 500 œuvres au Centre Pompidou, dont 393 vont enrichir la collection des Abattoirs de Toulouse. Il s’agit essentiellement d’art contemporain et non occidental. Souhaitant rendre hommage à son mentor, Jean Moulin, Daniel Cordier se tourne par la suite vers la recherche historique. Il en résulte une biographie constituée de plusieurs volumes, parus entre 1983 et 1999 : Jean Moulin et le Conseil national de la Résistance ; Jean Moulin. L’Inconnu du Panthéon ; Jean Moulin. La République des catacombes. En 2009, il publie son autobiographie qu’il intitule Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, pour laquelle il reçoit le Prix littéraire de la Résistance, le Prix Renaudot de l’essai et le Prix Nice-Baie-des-Anges. Daniel Cordier était décoré de la Grand-croix de la Légion d'honneur et était chancelier d'honneur de l'ordre de la Libération. Il était également décoré de l’Ordre de l'Empire britannique à titre civil. Des distinctions qui sont venues sur le tard. Avec sa mort, c’est une grande partie de l’histoire de la Résistance qui se tourne. Il a sa sépulture au cimetière du Père-Lachaise.